Perspectives/Pensées - Dr Maxime MAURICE Cardiologue à Deauville

PLFSS 2026

PLFSS 2026 : Ce que cela change pour votre santé

Chaque année, le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) redéfinit le budget alloué à la santé. Le PLFSS 2026 marque un tournant majeur – un tournant qui aura des conséquences directes et durables sur votre accès aux soins et sur la qualité de la médecine en France.

Cette tribune vise à expliquer, avec transparence et sans jargon, ce que ces mesures impliquent concrètement pour vous, patient.

1. L’ONDAM ne suit plus l’inflation : un système qui s’appauvrit

L’ONDAM est le budget national dédié aux dépenses de santé. Quand ce budget progresse moins vite que l’inflation, alors que le coût du matériel médical, des salaires, de l’énergie et de la maintenance augmente fortement, les cabinets de ville se retrouvent mécaniquement étranglés.

Conséquences directes pour vous :

  • impossibilité d’investir correctement dans du matériel moderne ;
  • recours à du matériel plus ancien, moins performant ;
  • moins de personnel, donc délais plus longs et moins de disponibilité ;
  • baisse globale de la qualité de prise en charge.

C’est une réalité très simple : si le budget ne suit pas, la qualité ne peut pas suivre.

2. Dévalorisation des actes techniques : un risque pour le diagnostic

Les actes d’échographie ont récemment été dévalorisés.

Cela signifie que :

  • le remboursement a baissé ;
  • le reste à charge est plus conséquent pour vous ;
  • le coût du matériel, lui, augmente également.

Conséquence directe :

Les médecins ne cesseront pas de faire des échographies, mais ils devront les faire avec du matériel moins performant, moins récent, moins précis.

Et un échographe moins performant, c’est :

  • un risque accru de « passer à côté » d’une pathologie ;
  • une diminution de la finesse diagnostique ;
  • une réduction de la sécurité pour le patient.

Manquer autant de respect à la santé d’une population pose question.

3. Déremboursement des médecins du secteur 3 : une mesure votée à l’unanimité

Une mesure récemment votée prévoit le déremboursement total des médecins hors convention (secteur 3).

Cela signifie que :

  • un patient consultant un médecin secteur 3 n’est plus remboursé du tout,
  • alors que les consultations réalisées à l’étranger restent remboursées.

Ce choix politique enverra mécaniquement de nombreux médecins hors du système conventionnel, et d’autres hors du pays.

Conséquence directe pour vous :

  • les médecins restants seront saturés ;
  • l’accès aux soins deviendra plus difficile ;
  • les délais exploseront.

Et des milliers de patients continueront à cotiser… tout en n’ayant plus de médecins disponibles.

4. Dépassements d’honoraires : pas un luxe, une nécessité

Il circule l’idée que les dépassements d’honoraires seraient un abus. La réalité est plus simple :

Dans un cabinet médical, plus de 70 % du produit de l’acte sert à financer les charges (personnel, matériel, assurances, logiciels, électricité, locaux, obligations réglementaires, maintenance…).

Sans dépassements raisonnables :

  • pas de secrétaire ;
  • pas d’assistante ;
  • pas de matériel moderne ;
  • pas de disponibilité ;
  • pas d’examens immédiats ;
  • pas d’expertise technique.

Limiter drastiquement ces possibilités, c’est limiter mécaniquement la qualité des soins.

5. Un modèle qui rend l’exercice libéral invivable

Le PLFSS 2026 renforce un système où la médecine de ville devient économiquement intenable :

  • tarifs bloqués malgré l’inflation ;
  • baisses de cotations ;
  • déremboursements ;
  • pénalités administratives ;
  • forfaitisation imposée (un tiers vous rémunère de manière aléatoire) ;
  • hausse des charges fixes.

Un médecin libéral se retrouve face à trois choix :

  • Se déséquiper
    → Au détriment de la qualité des soins.
  • Sortir de la convention
    → Les patients cotisent, mais ne sont plus remboursés : une rupture directe du contrat social.
  • Quitter la France
    → Et laisser derrière lui une population sans médecin.

Il n’existe aucune quatrième option viable dans le système actuel.

6. Ce que cela implique pour vous, dès maintenant

Si cette trajectoire se poursuit :

  • moins de médecins seront disponibles ;
  • les cabinets fermeront ou fonctionneront au ralenti ;
  • les délais deviendront encore plus longs ;
  • l’accès à une expertise pointue diminuera ;
  • des diagnostics seront moins fiables faute de matériel à jour ;
  • la fracture sanitaire s’aggravera entre zones favorisées et désertifiées.

Ce n’est pas un scénario théorique. C’est ce qui se passe déjà.

7. Pourquoi vous en parler ?

Parce qu’un système de santé n’existe que pour une seule raison : vous.

Parce que les médecins ne peuvent plus porter seuls un modèle qui s’effondre.

Parce que les décisions politiques actuelles engagent directement votre santé future.

Et parce que la transparence est, aujourd’hui plus que jamais, une nécessité.

Conclusion : Le PLFSS 2026 n’est pas une réforme technique

C’est une rupture.

Une rupture avec :

  • la qualité des soins ;
  • la proximité ;
  • la disponibilité ;
  • l’expertise ;
  • et la réalité du terrain.

Le fond ? Déjà franchi. Ce qui vient ensuite, c’est l’effondrement.

Idées reçues sur les médecins : ce qu’il faut corriger pour comprendre la situation

La crise actuelle ne vient pas d’un « manque d’effort » des médecins. Elle vient d’une accumulation de malentendus, souvent entretenus, sur ce qu’est réellement l’exercice médical en France.

« Les études de médecine sont gratuites, les médecins doivent accepter un certain asservissement »

Faux. Et dangereux comme idée.

Les études universitaires sont gratuites pour l’État, pas pour l’étudiant. Un étudiant en médecine représente pour la Sécurité sociale entre 200 000 et 300 000 € d’économies, du fait de son statut étudiant prolongé.

Pendant ce temps :

  • il finance 10 à 12 ans de vie sans salaire ;
  • il supporte 10 000 € de frais annuels (logement, matériel, transports, stages) ;
  • il travaille 60 à 80 heures par semaine ;
  • pendant des années sans aucune rémunération ;
  • puis rémunéré en dessous du SMIC horaire pendant l’internat, malgré des responsabilités vitales.

Aucune bourse spécifique. Aucune compensation. Aucune prise en charge réelle.

Ce n’est pas une dette envers la société. C’est un investissement colossal.

Et cela ne justifie en rien un asservissement ou une limitation de la liberté professionnelle. La formation médicale n’est pas un contrat moral d’esclavage moderne.

« Si un médecin parle d’argent, c’est qu’il travaille mal »

C’est une confusion très française, profondément toxique.

Travailler pour gagner correctement sa vie ne signifie en rien travailler mal. Toutes les professions demandent une rémunération juste pour exercer correctement :

  • un artisan ;
  • un avocat ;
  • un ingénieur ;
  • un professeur ;
  • un commerçant.

Pourquoi un médecin, lui, devrait être pauvre pour être moralement acceptable ?

Exercer la médecine nécessite :

  • du temps ;
  • de l’attention ;
  • de l’expertise ;
  • du matériel coûteux ;
  • des responsabilités colossales.

Une bonne médecine demande du temps. Le temps demande des moyens.

Confondre vocation et renoncement matériel est une absurdité totale.

« Les médecins doivent aller dans les déserts médicaux, c’est leur devoir »

Les déserts médicaux sont souvent… des déserts tout court :

  • pas de services ;
  • peu d’écoles ;
  • pas de réseau de transports ;
  • aucune offre culturelle ;
  • commerces en voie de disparition.

On ne peut pas reprocher à un médecin ce qu’on n’exigerait ni d’un boulanger, ni d’un enseignant, ni d’un chef d’entreprise, ni d’un hôpital, ni même d’une famille.

La désertification médicale est la conséquence directe d’une désertification générale du territoire, orchestrée par des choix politiques.

Ce n’est pas le médecin qui abandonne la population. C’est l’État qui a abandonné le territoire.

« Les médecins sont corporatistes »

Non.

Un médecin ne se bat pas pour un privilège mais pour :

  • conserver du temps pour ses patients ;
  • pouvoir s’équiper correctement ;
  • financer son personnel ;
  • maintenir une qualité diagnostique élevée ;
  • garantir sa liberté de prescrire et de pratiquer.

Ce n’est pas du corporatisme. C’est la défense des conditions minimales de soin.

Un pilote qui refuse un avion mal entretenu n’est pas corporatiste : il protège ses passagers. Un médecin qui refuse une médecine au rabais fait exactement la même chose.

« Les médecins doivent respecter le serment d’Hippocrate, ils ne peuvent pas se plaindre »

Justement. C’est parce que nous respectons le serment que nous nous inquiétons.

Dans le serment d’Hippocrate figurent des principes fondamentaux, dont : Je garderai mon indépendance professionnelle et la liberté de mon jugement.

Or le PLFSS 2026 :

  • limite la liberté de prescrire ;
  • impose des modèles d’organisation ;
  • restreint les choix thérapeutiques ;
  • oriente la pratique selon des critères administratifs et non médicaux ;
  • sanctionne les médecins qui ne se conforment pas aux injonctions bureaucratiques.

C’est une atteinte directe au serment lui-même.

Un médecin doit rester libre pour soigner correctement.

« S’ils ne sont pas contents, ils n’ont qu’à partir »

C’est précisément ce qui risque d’arriver.

Les médecins français sont extrêmement recherchés dans le monde :

  • réputés pour leur compétence ;
  • leur polyvalence ;
  • leur formation solide ;
  • leur capacité à travailler en autonomie.

Canada, Suisse, Belgique, Moyen-Orient, Australie, Royaume-Uni, Scandinavie… Tous recrutent activement.

Dire « qu’ils n’ont qu’à partir » revient à dire : « Je n’ai pas besoin de médecin aujourd’hui. »

Mais demain, quand vous en aurez besoin, il sera trop tard. On ne recrée pas 10 à 15 ans de formation médicale par décret.

Conclusion

La crise actuelle n’est pas une crise de confort pour les médecins. C’est une crise de valeurs, de liberté professionnelle, d’attractivité, et surtout de survie d’un modèle fondé sur la proximité et la qualité des soins.

Détruire les conditions d’exercice, c’est détruire le soin. Et détruire le soin, c’est condamner chaque patient actuel et en devenir.